Mieux gérer l’eau, notre défi

Par-delà la question de l’arrosage des greens en période de sécheresse, c’est la gestion de l’eau qu’il faut repenser afin d’en optimiser les ressources, le stockage et l’utilisation.

Stocker, réduire, recycler et réutiliser. Voici les mots d’ordre concernant la gestion de l’eau sur nos golfs au terme d’un été particulièrement chaud. Un vrai dilemme ! Nos hectares de parcours que l’on aime tant sont aussi des remparts contre l’artificialisation des terres, des havres de paix pour la faune et des contributeurs à la continuité écologique entre les milieux.

Si la question de la gestion de l’eau sur nos golfs n’est pas nouvelle, elle n’a jamais été autant d’actualité. Et pourrait, compte tenu du changement climatique, devenir des plus sensibles. De fait, peut-on encore arroser des greens alors que les maraichers voient partir leurs récoltes ? Où sont les priorités ? S'achemine-t-on, comme en France, vers une véritable guerre de l'eau, les restrictions créant des tensions, voire un ressentiment d’une partie de la population.

Polémique

« Disons-le tout net : l’arrosage fait polémique, reconnait Christophe Descampe. Difficile, en même temps, de s’en passer. Pas d’arrosage des greens pendant plusieurs jours provoque des dégâts irréversibles du fait de, en particulier, la mort des graminées. »

En période estivale, les conséquences peuvent être lourdes. A savoir la fermeture de la structure et une perte d’exploitation pendant six mois jusqu’au printemps de l’année suivante. En effet, il faut au moins trois mois de végétation active (température moyenne du sol > 10°C) pour obtenir un green de qualité normale à partir d’un nouveau semis. A cette perte d’exploitation de six mois s’ajoutera le coût de la remise en état, à savoir le semis et le plaquage. Plus le fait que, durant ces travaux, le parcours sera fermé avec toutes les conséquences en termes d’emploi.

L’enjeu : mieux arroser…

L’évolution principale de ces trente dernières années est venue du stockage de l’eau. Tous les gestionnaires de parcours se sont rendus à l’évidence que si nous voulons éviter de pomper d’importantes quantités d’eau en saison, il faut être capable de stocker une quantité d’eau au moins aussi importante que les besoins d’un mois de consommation estivale. Pour ce faire la majorité de nos golfs stocke l’eau dans des bassins artificiels ou naturels souvent reliés entre eux ; d’autres sont équipés de cuves de stockage de grande capacité.

« Le stockage de l’eau sera le match, estime Christophe. De là, l’importance de nos étangs. Bien stocker l’eau permet de réduire la température de 1 à 2°C. On peut alors créer des microclimats spécifiques. Notamment en réintroduisant des marais, qui impacteront positivement la biodiversité. Ce sont là autant de pistes à explorer…»

On notera, aussi, que les techniques de jet ont sensiblement évolué. Une utilisation subtile, basée sur la sectorisation, peut être fort rentable. Par ailleurs, de nombreux greenkeepers sont désormais équipés de sondes hygrométriques qui permettent d’apporter le minimum d’eau utile à la bonne vie du gazon sans entrer dans l’excès d’eau. D’autres encore ont des stations météo qui vont permettent de calculer l’évapotranspiration du gazon afin de n’apporter que la dose d’eau évaporée sur 24 heures…

Zones synthétiques, polymères…

Sachant que 90 % du tissu végétal des graminées est constitué d’eau, l’arrosage est donc un point fondamental. De là l’importance d’une pratique raisonnée et optimisée de la gestion de l’eau pour prélever le strict nécessaire. En somme, arroser mieux et moins, tout en recherchant des alternatives.

Ne nous leurrons pas : on devra toujours arroser les greens, véritables goulots de passage, avec les zones de départ. L’enjeu est de pouvoir « porter » le plus grand nombre de joueurs. A priori, on pourrait songer à des zones synthétiques. Mais, alors, impossible de pitcher, rouler et accrocher le gazon, les trois caractéristiques d’un green, les trois raisons, aussi, de les construire sur du sable. « Seule la nature nous permet de réunir ces trois conditions de jeu ! »

Ce qui n’empêche pas d’évoluer. Et donc d’explorer de nouvelles pistes. Parmi celles-ci, l’usage de polymères. Encore appelés « rétenteurs d’eau », ils ont déjà fait leurs preuves dans la culture. Concrètement, les plantes extraient le liquide progressivement, selon leurs besoins.

Globalement, deux chantiers

Si cette canicule est exceptionnelle, elle pourrait devenir habituelle avec les changements climatiques d’ici quelques années, obligeant nos golfs à s’adapter.

« Globalement, je vois deux chantiers, résume Christophe. D’abord, une transformation de la flore avec de nouvelles graminées, plus résistantes et moins consommatrices d’eau -une étape a déjà été franchie avec l’interdiction des produits phytosanitaires... Ensuite, accompagner financièrement l’économie d’eau effectuée grâce à des bassins de rétention et à un meilleur drainage des parcours. Soit, encore, un arrosage plus ciblé, technique que nous mettons actuellement en œuvre. »

Un défi au bénéfice du plus grand nombre

Notre jeu changera-t-il ? Sans doute. Mais la philosophie restera la même. La politique du Royal & Ancient en la matière est « on joue les parcours dans l'état dans lequel la nature les a placés ». Une politique illustrée par le British Open à maintes reprises. Le Royal & Ancient n'a jamais dérogé à sa politique de « jouer le parcours comme il est » que les roughs soient brûlés ou aient résisté.

« Le défi de la gestion de l’eau n’a rien d’insurmontable, termine Christophe. Dans ce contexte pourtant sensible, nos golfs peuvent jouer un rôle de poumon vert, intéressant pour la région… Réintroduisons les marais ! Nous ne protégerons que mieux la faune et la flore. Ce faisant, nous pouvons créer des pépinières à biodiversité, favorisant un retour de la nature sauvage à la lisière des villes. »

Marais, bassins d’orages… Il s’agit, plus généralement, d’étudier non seulement comment freiner les eaux, comment favoriser leur descente dans les nappes phréatiques, mais aussi comment créer des zones inondables potentielles. Et, dès lors, comment protéger la nature au bénéfice du plus grand nombre. Dans cet esprit, instances publiques et gestionnaires de golf ont un défi à relever ensemble.